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Dimensions : une porte vers les effets métaphoriques

 

La sémantique interprétative envisage également un troisième type de classe, d'un statut formel différent des deux premières. La dimension, à laquelle est associé un sème  macrogénérique. Elle est définie ainsi ([24], p. 50) : <<Une dimension est une classe de généralité supérieure. (...) À la différence des taxèmes ou des domaines, des dimensions peuvent être articulées entre elles par des relations de disjonction exclusive (cf. //animé// vs //inanimé//)>>, et plus loin : <<... la dimension, classe de généralité supérieure, en intersection avec tous les domaines, et incluant certains taxèmes>>. Il apparaît ainsi que la dimension n'a pas le rôle organisateur des deux premiers types de classes, qui étaient compatibles. Des notions comme //animé// apparaissent effectivement assez universelles pour les retrouver dans tous les domaines, et dans la plupart des taxèmes.

De plus, si l'on considère le découpage que font ces dichotomies dimensionnelles des taxèmes, ces sèmes macrogénériques rentrent-ils en conflit avec les sèmes spécifiques ? On retrouve bien dans la disjonction exclusive qui articule //animé// et //inanimé// la notion d'incompatibilité propre aux sèmes spécifiques. Les sèmes macrogénériques seraient alors des <<sèmes spécifiques de grande généralité>>. Quel peut être leur rôle explicatif dans une interprétation ? Justement leur statut indépendant des classes : tout comme les sèmes afférents, ils permettent, au niveau du système fonctionnel de la langue, de rapprocher des éléments de classes incomparables. Deux sémèmes aussi éloignés que `Grille-pain' et `Église' sont au moins comparables via cette dimension de l'inanimation. Certes, cette identification n'a rien que de très banal, dans ce cas précis, mais de telles trivialités sont en fait d'excellents indices d'établissement de connections plus fines et pertinentes. Elles constituent en quelque sorte une <<degré zéro>> de l'interprétation, une sorte de garantie d'isotopie dans toute analyse. Leur automatisation est également envisageable techniquement, mais se pose le même problème de pertinence que pour les domaines.

Ce qui nous ramène à un aspect intéressant des sèmes spécifiques, à savoir leur potentiel à effectuer des relations inter-classes, qualifiables de métaphoriques. Si un même sème est utilisé de façon spécifique dans deux taxèmes distincts, les deux sémèmes qui le supportent entrent en relation d'équivalence par l'identité de ce sème. C'est le cas des schémas métaphoriques <<classiques>>, comme par exemple l'opposition exprimée par /bâtiment/ entre 'église' et 'prêtre' dans un taxème religieux et entre 'mairie' et 'maire' dans l'administration locale. Au sein d'un parcours interprétatif complexe, en cas de <<tâtonnement>>, la trace de telles relations peut très bien être une articulation dimensionnelle du type /animé/ - /inanimé/. Nous proposons donc de voir dans les dimensions de tels guides pour repérer des relations transversales plus pertinentes entre des classes, et nous la cantonnerons d'ailleurs à ce rôle. Nous ne définirons donc pas formellement de classe supérieure au domaine, puisque, comme nous l'expliciterons bientôt, une dimension sera traitée comme une isotopie spécifique.

Mais pour éclaircir ces phénomènes, et rendre à la théorie de F. Rastier son intégrité remarquable, nous allons aborder dans la suite le concept central et incontournable qu'est l'isotopie.


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Ludovic TANGUY
Fri Dec 5 17:04:33 MET 1997