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Taxème et sème micro-générique

  Maintenant que nous avons en partie défini la nature du taxème, revenons aux sèmes à proprement parler. Avant même de permettre d'identifier des sèmes exprimant des oppositions entre les éléments de la classe, le taxème identifie déjà un sème attribué aux sémèmes qu'il contient. Tous les sémèmes d'un taxème auront donc un sème commun, et ce sème aura pour eux le statut de microgénérique. Nous verrons par la suite que ce principe de généricité est valable pour les autres classes sémantiques plus élevées, d'où l'appellation, ici distinctive, de micro. Il convient donc de différencier ces deux notions : le taxème est en quelque sorte l'extension du principe de localité sémantique, et le sème microgénérique associé en est l'intension. Moins par convention et par économie que par un principe de dualité, nous attribuerons la même étiquette aux deux entités, en prenant simplement soin de les distinguer typographiquement. Ainsi, le taxème //couvert// implique la présence du sème microgénérique /couvert/ dans les sémèmes qu'il contient. Ce dans doit être abordé avec précaution : d'un certain point de vue, les sémèmes peuvent être considérés comme des ensembles de sèmes, si on les voit localement. Mais un sème est avant tout une relation entre sémèmes, dont la projection sur un des sémèmes de la relation est en quelque sorte une occurrence de sème, comme l'exprime F. Rastier lorsqu'il définit le sème comme <<élément d'un sémème, défini comme l'extrémité d'une relation fonctionnelle binaire entre deux sémèmes>>. Le meilleur moyen à nos yeux de distinguer ces deux aspects est d'utiliser les notions d'antériorité logique : le sème ne peut être vu comme élément d'un sémème que parce qu'il exprime une relation [10].

Formellement, la notion de taxème sera donc une structure à deux facettes : un contenu, exprimable par un ensemble fini de sémèmes, et une qualification par un sème. Cette structure, comme d'autres que nous verrons par la suite, servira en quelque sorte de transition organisatrice entre sèmes et sémèmes.

La relation exprimée par un sème microgénérique est une relation d'équivalence entre les sémèmes du taxème, et le taxème en constitue précisément la classe. Vus de l'extérieur du taxème, les sémèmes sont en fait indistinguables, tant que les oppositions qu'ils entretiennent ne sont pas exprimées via les sèmes spécifiques.

Toujours conséquence de cette antériorité logique, plusieurs sémèmes contenant un sème commun ne forment pas pour autant un taxème ; encore faut-il pour cela que le sème commun soit microgénérique pour tous ces sémèmes. Autrement, il ne forme qu'(!)une isotopie, ce qui maintient la notion d'identité des unités formelle au seul niveau de l'interprète-utilisateur, et non comme résultat d'un calcul.

Mais voir le sémème comme un ensemble, dès lors qu'il ne nous guide pas vers une fausse route en considérant les sèmes comme donnés a priori, et à assembler en sémèmes (avec un principe de compositionnalité mal placé), permet tout de même de préciser un peu plus sa structure. F. Rastier distingue en effet deux parties d'un sémème ainsi considéré, le classème et le sémantème. Le premier n'est autre que l'ensemble des sèmes génériques supportés par le sémème, alors que le second est son correspondant pour les sèmes spécifiques. Cette terminologie permet de retracer le chemin à l'envers jusqu'à Greimas, pour qui le classème est un sème contextuel traduisant la cohérence d'une partie de discours ([7] p. 53), donc un sème générique correspondant à une classe contextuellement définie. Greimas ne fait donc pas l'opposition classème / sémantème, ce dernier terme n'étant pas repris dans sa théorie. Il est donc intéressant de noter que notre vision du taxème comme classe contextuellement justifiée, sans doute plus par souci de pragmatisme que par volonté de respecter l'intégrité de la sémantique interprétative, nous rapproche en quelque sorte de la sémantique greimassienne. Nous verrons cependant lors de l'explicitation du processus interprétatif, pour ce qui est de la <<création>> des taxèmes, que les rapprochements sont encore plus flagrants.

 


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Ludovic TANGUY
Fri Dec 5 17:04:33 MET 1997