Au bout du compte, résumons les propriétés du concept de l'afférence :
Discutons de ces cinq assertions.
Les trois premières sont d'une applicabilité croissante. Si la notion de norme a été, à regret, déclarée insoluble directement, elle se ramène ici à un figement, une stabilisation, qui peut tout de même être transgressée par cette notion d'afférence.
La quatrième, elle, pose un problème applicatif et théorique plus profond : la sémantique interprétative n'a pas pour vocation d'expliciter tous les mécanismes et les raisons d'une attribution de sème. Elle en donne des indices et des moyens d'expression, mais elle ne propose pas une explication de la genèse du système de la langue : pour cette fois la circularité méta-linguistique constitue une barrière. Ainsi, les aspects d'actualisation et de virtualisation, comme phénomènes dynamiques, se rapprocheraient, s'ils étaient systématisés, de considérations psycho-linguistique. De notre point de vue plus applicatif, les processus concurrents menant à l'actualisation / virtualisation seraient hors de propos. Si une automatisation de ceux-ci est proposée localement dans [27], elle s'éloigne à notre goût de l'esprit interprétatif, par l'utilisation d'une forme de règle d'inférence sémantique. Nous nous limiterons ici à une description de l'organisation du résultat d'une interprétation. Nous verrons que la rigueur descriptive de l'outil informatique introduit tout de même des aspects dynamiques en amenant l'utilisateur vers des questions qu'il ne se serait peut-être pas posées.
Que va-t-il donc nous rester ? Peu de choses, si ce n'est cette propriété structurelle de l'afférence de s'affranchir d'un découpage rigide, que ce dernier relève d'une norme forte ou d'une volonté formalisante. Pour nous, l'afférence sera donc un moyen d'exprimer des relations sémantiques entre des sémèmes éloignés par une classification unique.
En d'autres mots, il s'agira d'une << soupape conceptuelle >> face à un ensemble de contraintes organisationnelles. Nous avons effectivement jusqu'ici dégagé des principes formels qui, comme toute forme de structuration, sont exprimables comme contraintes. La liberté qu'elles limitent est ici d'associer ad libidum des sèmes à des sémèmes, au risque d'énoncer ainsi une chose et son contraire. Par exemple, la notion de taxème, en plus d'être un outil d'attribution de sème, sert également à restreindre les sèmes spécifiques. Toute relation sémantique identifiée par l'interprète et non-justifiable au sens de notre formalisation sera donc traduite comme afférente.
La dernière assertion nous permettre d'ajouter une contrainte de justification externe : si un sème est utilisé comme afférent, il devra également être explicité par une voie classique, c'est-à-dire inhérente. L'interprète devra par exemple expliciter le contenu et l'organisation d'un taxème qui possède le sème ici afférent comme sème générique, ou bien des sémèmes qui s'opposent par ce sème.
Ainsi, vouloir outrepasser une contrainte sera une source d'enrichissement thématique pour la structure sémantique produite durant l'interprétation. Ce principe est en quelque sorte un contrepoids à la souplesse précédente : si toute relation peut être déclarée par l'interprète comme afférente, elle se fera au prix d'une explicitation << classique >>, au sens du respect des contraintes précédemment citées, d'une zone de la langue où ce sème est utilisé comme inhérent. Cette opération prendra donc son appui en-dehors du texte, utilisant s'il la faut des sémèmes qui ne sont pas présents dans l'objet de l'analyse, d'où un enrichissement de la structure sémantique descriptive.
Ce dernier point traduit également le fait qu'une afférence est le but d'une relation, qu'il s'agit d'un glissement de sens qui provient bien d'une autre zone sémantique.
Dès lors, nous ne revendiquerons pas une adéquation entre notre concept d'afférence et celui de F. Rastier. Nous préserverons tout de même l'appellation, par optimisme et par intuition que certains effets de glissement de sens sont justement apparus sous la condition d'une contrainte. De plus, la modélisation de l'afférence dépasse à notre avis l'ordre informatique, puisqu'elle traduit des mécanismes d'une finesse et d'une complexité relevant d'une sensibilité de la langue.
Enfin, le fait de définir différemment la notion d'afférence induit également la possibilité de glissement typologique des sèmes que nous formaliserons. Ainsi, un sème pertinemment afférent (selon F. Rastier) pourra très bien être représenté par une relation spécifique, pour peu que l'interprète qui en est à l'origine lui attribue bien un rôle organisationnel.