Bien que nous ayons vu lors de l'étude la propagation des modifications que les sèmes, et donc les isotopies sont modifiées à partir de considérations locales (ajout d'un sémème par exemple), il n'en reste pas moins que les modifications les plus intéressantes se situent au niveau global de la structure sémantique. Plusieurs raisons nous poussent à considérer de telles modifications.
Nous nous intéresserons tout d'abord à la relativité du statut des sèmes. Nous avons déjà vu au second chapitre que les notions de sème générique, spécifique, inhérent et afférent (au sens de F. Rastier) ne sont pas directement captables par une approche locale (i.e. sur un ou plusieurs textes). Ces statuts sont en effet liés à la langue et à ses niveaux de systématicité. Concrètement, le fait de définir un taxème comme //absolu//, contenant des sémèmes aussi variés que 'extasiés', 'profond', 'à jamais' (voir l'analyse de <<En sourdine>> en annexe), n'implique absolument pas la validité de /absolu/ comme sème générique en langue. De même, attribuer le sème /oiseau/ ou /chant/ comme sème spécifique au sémème 'rossignol' au sein du taxème //nature// ne relève que de la localité. Nous n'espérons pas ici capter la norme sous-jacente, ni même décréter que /oiseau chanteur/ est un vrai taxème, mais nous devons tout de même nous donner les moyens de modifier a posteriori le statut d'une attribution de sème, ne serait-ce qu'à des fins de cohésion inter-textuelle, ou plutôt inter-interprétative.
Encore plus concrètement, nous voudrions pouvoir imposer à la structure de vérifier certains statuts d'origines diverses, et donc de modifier les qualifications isotopiques.
Ces opérations peuvent d'ailleurs rejoindre d'autres considérations, plus applicatives celles-ci. Il peut être envisageable en effet de fondre deux structures sémantiques distinctes, soit par la personne de l'interprète, soit par le texte interprété. Nombre de travaux en littérature s'intéressent par exemple à la description d'un ou plusieurs thèmes récurrents chez un auteur ou durant une période, ou même de façon transversale. Il convient donc d'effectuer une fusion de plusieurs structures sémantiques, pouvant avoir des sèmes (et des sémèmes) en commun. Par exemple, si pour une interprétation d'un texte A un sémème s appartient au taxème repéré par le sème se, et que pour un autre texte B, le même sémème possède le sème se comme spécifique, la fusion devra trancher entre les deux possibilités. Au bout du compte, nous ne voulons qu'une seule structure rendant compte des deux interprétations, en gardant comme cohérences uniquement celles voulues par l'interprète commun. Par exemple, si la symbolique de la couleur chez Stendhal est mise en exergue pour Le rouge et le noir mais pas pour La Chartreuse de Parme, les sémèmes 'rouge' et 'rouge' devront être différenciés par leurs textes d'extraction.
Dans de tels cas de modifications de statuts ou de fusions de structures, notre critère principal devra rester le respect de l'association sémème-sème, indépendamment de tout typage. Ce seront donc les données brutes qui devront être respectées au maximum, et l'organisation globale nous accordera alors les degrés de liberté nécessaires.
Enfin, nous verrons comment un tel remaniement de la structure peut donner des guides pour approfondir une interprétation, et bien rappeler que toute attribution de sens n'est que temporairement stabilisée. Nous allons donc envisager deux grandes familles de transformations applicables à la structure, en les décomposant dans un premier temps suivant les opérations élémentaires que nous venons d'expliciter.